Depuis quelques années, le retour en grâce du vinyle a déclenché une véritable course aux collectors, raretés, et autres tirages limités. Alors que se multiplient les initiatives telles que le disquaire day, ce marché que l’on croyait condamné à quelques aficionados lors de conventions annuelles du disque a fini par envahir le web, jamais en retard quand il s’agit d’exploiter les nouvelles tendances.
Ainsi, le site Discogs, autrefois indépendant mais à présent propriété du puissant groupe Amazon, semble aujourd’hui faire office de référence incontournable sur le web, dès qu’il s’agit de vendre ou d’acheter des disques rares. Il représente aujourd’hui plus de 90% du marché en ligne dans ce domaine, et constitue pour beaucoup un baromètre, se taillant la part du lion face aux plus généralistes eBay, le bon coin ou autres. Amazon a su adapter ses méthodes au marché du disque collector.
Les avantages à utiliser ce type de service sur internet sont connus : la possibilité de trouver une référence relativement facilement, sans avoir besoin de bouger. Mais les inconvénients sont réels. Il est impossible de connaître le vendeur qui vit on ne sait où et donc difficile d’avoir confiance. L’état d’usure concret est très difficile à appréhender – même si une nomenclature existe – et le risque d’être finalement déçu n’est pas négligeable. Sur Discogs il est compliqué d’obtenir une photo concrète du vinyle convoité. Il faut la demander au vendeur. Sur les sites qui affichent des photos du vinyle, il est très facile de jouer sur l’image. Le descriptif de l’objet lui aussi est parfois trompeur et de toute façon subjectif. Dernière interrogation et non des moindres : une fois acheté, le colis arrivera-t-il à destination ? Dans quel état ? S’il y a un problème dans le transport avec un item par définition unique…. que faire ?
In fine, toutes les précautions ne vaudront jamais le plaisir convivial de la proximité et la joie de repartir avec la précieuse galette sous le bras ; grand avantage de la fréquentation des boutiques. Bien que la réputation de notre librairie s’étende au-delà du Rhône jusqu’à nos habitués de passage, nous exerçons pour l’essentiel en direct, localement, dans la région lyonnaise, achats ventes et échanges.
Question prix, que les choses soient clairement dites ! Nous n’avons pas la prétention de concurrencer Discogs, plateforme mondiale aux transactions massives quotidiennes. Il est clair que nous ne boxons pas dans cette catégorie. Nous savons pertinemment que lorsque nous vendons un seul collector, dans le même temps, il s’en vend 10 000 du même genre sur le Net. Aussi quand un collector exceptionnel rentre – jour de fête – le but n’est pas d’entrer en concurrence ni d’être systématiquement le plus compétitif en le mettant en vente moins cher que le prix le plus bas que l’on peut trouver sur le Web.
Nous aimons les grands collectors, nous les chérissons, nous ne souhaitons pas les brader dans un jeu concurrentiel de spéculation quantitative à laquelle nous ne souscrivons pas. Peut-être que cet original mono de 1965, en parfait état, nous ne le reverrons jamais plus, une fois vendu. Notre respect pour le vinyle est d’une autre intensité, d’une autre qualité. Procédant ainsi par évaluation juste et objective, non dans l’instant mais durablement, l’effet est double.
Le premier est que nous présentons, exposons des pièces de collections, parfois historiques, pour le plaisir de partager notre amour d’une culture qui a donné une âme à la modernité. Mieux qu’un musée, pas de ticket d’entrée ! Tout le monde peut aller et venir, admirer les pièces collectées, des promeneurs sont au rendez-vous et il n’est pas rare que certains de nos clients fassent visiter la boutique à leurs amis de passage ; ce dont nous ne sommes pas peu fiers. Voilà pourquoi les plus belles raretés sont à leur prix réel.
Le deuxième effet et que bien que cela puisse prendre quelques années parfois, aucun des grands collectors qui est passé par La Bourse n’est demeuré invendu. Or, chaque fois que nous vendons l’un de ces trésors, un jour de deuil est décrété au 8 rue lanterne.
Naturellement, cela génère une frustration compréhensive chez certains collectionneurs, qui aimeraient les acquérir au prix le plus compétitif affiché sur le net à l’instant « T » par n’importe quel inconnu, tout en bénéficiant des avantages du service maison.
Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi nous ne nous alignons pas systématiquement. Déjà, il est vrai que le vinyle de collection est une niche et que 95% de notre stock de la section musique, CD et LP, est vendu à petits prix. Cela crée des incompréhensions (« pourquoi celui-ci est plus cher que celui-là ? ») et la frustration est renforcée par les risques importants que comportent les achats sur le Web. La peur qui empêche certains de tenter des dépenses conséquentes « on line » leur donne le sentiment d’être coincés. Parfois, il nous est demandé si nous pouvons baisser tel ou tel prix et parfois cela va jusqu’à poster un avis défavorable sur Google.
Sur un très grand nombre d’avis postés (250) la très grande majorité est positive et les quelques avis négatifs sont pour la plupart motivés par cette frustration. C’est d’ailleurs à l’occasion du dernier avis de ce genre que nous avons décidé de rédiger cet article sur les vinyles de collection. Mme. J. Gauthier a trouvé à La Bourse une rareté de Mylène Farmer qui l’intéresse. Ce vinyle collector, que nous n’avons pas rangé dans la catégorie des indispensables, quand nous l’avons tarifé, nous avons décidé de le démarquer en dessous de la moitié du prix du seul exemplaire en vente sur le Net, c’est à dire à 300€ alors que le prix affiché sur le site Discogs est 700€ pour le seul exemplaire en vente. Voir son commentaire est très instructif :
“Voleurs” rien que ça…. Alors que Discogs affiche :
Sur Google, recherche faite, il s’agit du seul exemplaire actuellement en vente ; sur le site CD & LP, concurrent de Discogs, apparait le commentaire « épuisé » ce vinyle est bel et bien introuvable au moment où l’avis est publié, un mois après la mise en vente du vinyle.
Nous aimerions réguler toutes les amertumes, mais c’est compliqué dans l’univers 2.0 où il est aisé de prendre au pied de la lettre ce qui est illusoire, alors que la réalité du terrain et du contact humain demeure l’essentiel. Pas le même métier donc !
Pour conclure nous voulons dire notre joie et remercier une fois encore, comme nous le faisons chaque jour, la très grande communauté qui nous soutient, tous ceux avec qui nous partageons le bonheur d’être complice de l’exceptionnel phénomène culturel, musical et humain des vinyles de collection.