Comment s’y retrouver?
L’énorme engouement autour du vinyle amène les labels à rééditer de nombreux classiques – Pink Floyd, Beatles, Led Zeppelin, Gainsbourg et j’en passe. Face à la difficulté de dénicher certains LP en éditions originales (voire même en occasions plus basiques), les re-pressages sont légion. Se pose la question du son, de la fidélité à l’œuvre originale souvent enregistrée en analogique, à l’heure du tout numérique. Comment être sûr que le travail de re-mastering a été bien fait?
Analogique, numérique, mastering: Ques aco?
Jusqu’aux années 80, l’enregistrement et le mixage des albums se faisait sur bandes analogiques. C’était l’ère du vinyle, support adapté à cette technologie. Avec l’arrivée du CD, le numérique s’est progressivement imposé dans la chaîne sonore, obligeant les enregistrements plus anciens à être « remasterisés ». Le mastering, c’est le processus de finalisation du son. Il ne modifie théoriquement pas le mixage des instruments mais joue sur le volume, les fréquences (graves/aigus), la dynamique générale etc. Pour le support CD, le signal analogique doit impérativement être converti en fichier et compressé en 16 bits / 44,1 kHz. Ainsi, les studios d’enregistrements sont progressivement passés au numérique, souvent pour de nombreuses raisons pratiques (fini les bandes lourdes, coûteuses, fragiles…etc). « Brothers in arms » de Dire Straits, sorti en 1985, est officiellement le premier disque entièrement produit en numérique.
Re-mastering obligatoire
Quelles que soient les méthodes d’enregistrement, un vinyle réédité aujourd’hui doit nécessairement faire l’objet d’un travail de restauration et de re-mastering. Soit parce que les techniques ont évolué depuis la sortie originelle (la définition du son s’est améliorée depuis l’arrivée du numérique, il suffit d’écouter les premiers pressages CD et ceux d’aujourd’hui, c’est édifiant) ou bien parce que le mastering analogique d’époque a été détérioré. A l’instar des vieilles photographies, les bandes s’abîment inexorablement avec le temps, et un travail de « nettoyage » s’impose. La question est de savoir comment celui ci a été fait.
Comme une Ferrari avec un moteur de Fiat Panda
Et c’est là que le bât blesse car parfois, alors que l’enregistrement est originellement analogique, un master CD est utilisé pour la réédition vinyle! Oui oui, vous avez bien lu: un signal à l’origine « pur », une première fois converti en fichier informatique, puis re-converti pour la fabrication d’une matrice analogique. Un gain de temps et d’argent pour certains labels peu scrupuleux, mais une perte sonore non-négligeable pour l’auditeur. En résulte un son plus plat et plus « froid » que sur les pressages originaux. On pourrait penser qu’écouter un album des années 50, 60 ou 70 sur vinyle est nécessairement une bonne idée car c’est le support sur lequel l’album était destiné à être entendu au moment de sa conception. Mais s’il s’agit de l’audio du CD gravé sur vinyle, quel est l’intérêt? Cela revient à rouler dans une Ferrari avec un moteur de Fiat Panda! Comment s’assurer que ce n’est pas le cas?
« Remastered from original analog tapes »
Pour commencer, lorsque la restauration a été faite à partir des bandes analogiques, cela est souvent précisé par une mention indiquant « remastered from original analog tapes ». Cela garantit à priori que le travail sur le son a été fait depuis la source et non depuis la copie d’une copie, nécessairement altérée. Si les artistes originaux sont impliqués dans le processus – comme Jimmy Page supervisant lui même les rééditions de Led Zeppelin – c’est également un gage de confiance. Lorsque rien n’est précisé… méfiance. Car de nombreux cas sont problématiques.
Fun Facts
Que penser par exemple des rééditions récentes du Nevermind de Nirvana? Lorsque l’on sait que les bandes originales ont été détruites en juin 2008 suite à l’incendie d’un entrepôt d’Universal, on peut s’interroger. Des dizaines de milliers de masters audio sont partis en fumée ce jour-là. Selon le New-York Times, des enregistrements de Chuck Berry, Ray Charles, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, REM ou The Roots… l’un des plus grand désastre de l’histoire de l’industrie musicale.
Que dire de la mode des vinyles 180 grammes? A part que cela n’est absolument pas un gage de qualité sonore, seulement de solidité. Autre élément à considérer: la durée. Un 33 tours ne devrait pas dépasser 19 minutes et 23 secondes par face (soit un peu moins de 40 minutes en tout). Au delà… méfiance. Allonger la durée impose des sillons plus étroits, ce qui entraîne un niveau sonore plus faible et surtout une perte de richesse dans les fréquences (basses, médium, aiguës).
En Conclusion
Bienvenue dans la jungle des rééditions vinyles… Il est parfois très difficile de savoir a priori comment le travail de restauration a été fait. Dès lors, deux écoles de pensée coexistent : certains vont préférer une réédition sur vinyle neuf, en état parfait, vierge de toute lecture préalable, malgré le risque de tomber parfois sur une copie de qualité moyenne. D’autres privilégieront la recherche parfois hasardeuse d’un pressage ancien qui, malgré une matière sonore altérée au fil des écoutes, aura au moins le mérite de l’authenticité. Une quête parfois longue et difficile, mais qui peut s’apparenter à un voyage passionnant, chaque objet patiné par le temps devenant alors unique, l’incarnation de sa propre histoire, ces grésillements chaleureux figurant le temps qui passe sur une musique, elle, toujours intemporelle.