Vita Nostra est le premier tome d’une trilogie intitulée Les Métamorphoses. Si les deux auteurs ukrainiens, Marina et Sergueï Diatchenko, sont encore peu connus en France, ils connaissent un réel succès en Europe de l’Est.
Dans ce premier tome, nous suivons la jeune Sasha, âgée de seize ans au début de l’intrigue. Elle prend des vacances bien méritées en bord de mer avec sa mère et c’est lors de ces vacances qu’un homme étrange aux lunettes noires l’aborde. Il lui donne une mission : se lever très tôt tous les matins et nager complètement nue pendant qu’il n’y a encore personne pour ensuite revenir sur le rivage. Mais encore plus énigmatique, elle se met à cracher des pièces d’or, et si elle déroge à cette mission ne serait-ce qu’une seule fois, il arrive malheur à ses proches. Elle n’a donc pas le choix et doit obéir. Rentrée chez elle à la fin de ses vacances, elle se pense enfin libre, et commence en septembre sa dernière année de lycée. Mais l’homme ressurgit une fois de plus chez elle pour lui donner une autre mission aussi étrange que la première qui lui fera aussi cracher des pièces d’or. Ainsi, à la fin de ses études secondaires, elle obtient assez d’or pour entrer à l’« Institut des technologies spéciales », l’école pour laquelle elle a été choisie tout comme d’autres élèves. Il reste à la jeune fille à convaincre sa mère réfractaire et la voilà admise dans un internat tous frais payés.
Dans cette école pas comme les autres et complètement perdue au milieu de nulle part, un seul mot d’ordre : travail. Et gare à ceux ou celles qui veulent se la couler douce car sinon des choses terribles et inexpliquées arrivent. Dans cet institut étrange où les étudiants plus âgés terrifient les premières années, Sasha se transforme, se métamorphose au cours de sessions individuelles dites de « spécialité » où les élèves doivent réaliser des exercices obscurs voire irréalisables. Il s’agit de développer de nouvelles capacités telles que … altérer le monde ! Régies par la terreur et la discipline, les élèves doivent étudier sans relâche pendant trois années au bout desquelles ils passent un examen final qui leur donnera leur place dans le monde, leur rôle. Si elle réussit, elle deviendra alors immortelle.
Ainsi se dessine la question du transhumanisme. Dans ce récit surprenant et déroutant qui questionne l’évolution de la technologie, le thème de la liberté est aussi clairement abordé. Sommes-nous libres de nos consentements ? Sasha consent à réaliser des missions et à intégrer l’école mais le contexte de l’acquiescement est enchaînant. Une fois admise dans l’école encore, elle continue à se soumettre aux règles strictes du professeur de spécialité.
Cette dystopie particulièrement immersive ne laissera pas indifférent le lecteur ! Prenant place dans une ville fictive de Russie, l’atmosphère glaciale et austère se fait fortement ressentir. Certains auteurs d’Europe de l’Est, issus de pays ex-communistes, ont également recours à la trilogie dystopique pour soulever des questions modernes de société. Nous pensons aux romans russes de Dmitri Glukhovski, Metro 2033, ou encore au Problème à trois corps de l’écrivain chinois Liu Cixin, entre autres.
Vita Nostra est un réel coup de cœur qui déroute et ouvre de nouveaux horizons. Un livre fantastique, si ancré dans la réalité qui fait que nous sommes constamment sur un fil.
Manon
