Cette semaine, l’album Five Leaves Left de Nick Drake a fêté ses 47 ans. Sorti originellement le 1er septembre 1969 par Island Records, on a du mal à imaginer que cet album majeur et intemporel puisse bientôt approcher la cinquantaine, tant il semble toujours vivant et pertinent à nos oreilles aujourd’hui, tant son influence est grande.
Accompagné par les efficaces et discrets musiciens du groupe Fairport Convention, Nick Drake (alors agé de seulement 20 ans) entre en studio pour la première fois à Londres aux studios Sound Techniques à la fin de l’année 1968, plein d’espoir quant à ce premier essai. A tel point qu’il sèche les cours et prends le train pour pouvoir enregistrer. Il a la vision d’un album organique, simple, « sans reverb pop tape à l’œil » ré-haussé de quelques arrangements de cordes « sans que ce soit envahissant (…) ou ringard » , un peu dans la lignée du 1er LP de Léonard Cohen qu’il a tant aimé.
Très vite pourtant, Drake est tendu, anxieux, les sessions s’enlisent et il peine à faire aboutir sa conception artistique. L’arrangeur Richard Hewson et remplacé par un étudiant en musique totalement dépourvu d’expérience, Robert Kirby, et les enregistrements décollent enfin : influencé par Delius et Ravel, ses arrangements proche de la musique de chambre s’avèrent indissociable des chansons de Nick Drake et soulignent ses aspects baroque.
Après de nombreux retards liés à la post-production, l’album sort enfin le 1er septembre 1969, et n’est guère soutenu. Les critiques sont peu nombreuses, et généralement tièdes. Le célèbre NME considère que le disque n’est « pas assez varié pour être divertissant ». Seul le Melody Maker le trouve « poétique et intéressant » et John Peel diffuse quelques titres de manière sporadique dans son émission sur la BBC. C’est un échec commercial, et pour Nick Drake, furieux de voir ses textes mal retranscris dans le livret, c’est une déception. Sa sœur raconte « Il était très renfermé. Je savais qu’il faisait un album, mais je n’ai su où cela en était que lorsqu’il entra dans ma chambre et dit : « Le voilà. » Il le jeta sur le lit et ressortit ! ».
Côté concerts, ça ne se passe guère mieux, comme le raconte le chanteur folk Michael Chapman « Les folkies ne lui parlaient pas ; [ils] voulaient des chansons avec des refrains. Ils sont complètement passés à côté. Il n’a pas pipé mot de toute la soirée. C’était assez douloureux à voir, en fait »
Drake enregistrera deux autres superbes albums (Bryter Layter en 1970 puis Pink Moon en 1972), dans l’indifférence générale. Il meurt tragiquement en novembre 1974, chez ses parents, d’une overdose d’amitriptyline (un anti-dépresseur), seul et pauvre, sans avoir jamais connu ni succès ni reconnaissance. Il avait 26 ans.
Presque 50 ans plus tard, l’influence de Nick Drake est plus vivace que jamais, son talent célébré et reconnu par tous, son influence incontestable. Ce n’est qu’au milieu des années 80 qu’on commence à parler de lui, grâce à quelques fans entre temps devenus célèbres (Peter Buck de REM ou Robert Smith de The Cure). Quelques documentaires, quelques musiques de films, quelques publicités plus tard… la reconnaissance, enfin, est en marche. Une musique qui au fil des années aura finalement touché au cœur des dizaines de milliers de mélomanes et qui en fait à nos oreilles, probablement le plus beau disque folk jamais enregistré.