L’empreinte d’une civilisation rejaillit souvent sur son cinéma, pour certains pays plus intensément que pour d’autres – le Japon est certes le pays du sens de l’honneur exacerbé de Harakiri, de Masaki Kobayashi, autant que celui des mythologies dantesques et oniriques du beau et méconnu Rêves d’Akira Kurosawa. Mais s’il y a bien quelque chose que le Japon fait mieux que personne, c’est de raconter la beauté de la vie par les sens. Loin des fureurs de Nagisa Oshima, on trouve ainsi Shohei Imamura, joyeusement transgressif avec L’Anguille et De l’eau tiède sous un pont rouge, qui sont littéralement des leçons de vie, de ces films qui nous rappellent qu’il n’y a pas beaucoup plus à faire que de vivre heureux en attendant la mort – et que ce n’est pas si difficile.
Dans la lignée d’Imamura, le réalisateur Jûzô Itami livre un film unique – du point de vue occidental en tout cas –, un western-nouille : Tampopo. On est en 1985 et les derniers feux du western spaghetti ne sont plus que cendres froides – loin de tenter de ressusciter un genre mort et enterré, Jûzô Itami choisit d’en reprendre les thèmes centraux et de les adapter à une narration typiquement japonaise : le récit d’apprentissage – ici, d’apprentissage de la meilleure façon de faire des nouilles. Le tout mâtiné d’un récit érotique élégant et délicat où l’on retrouve un tout jeune Kôji Yakusho.
Par son rythme atypique, son humour absurde, sa capacité à lier sans efforts tous les éléments de son film pourtant apparemment complètement hétéroclite, Tampopo séduit. Repris cette semaine au cinéma, il vaut la peine d’être (re)découvert sur grand écran – quant à la version DVD, elle existe bien, mais est rare. Trouvable uniquement, vous l’aurez compris, à La Bourse !
(Source : Ciné Corner)