Voir le début de Mort à Venise, c’est comme voir le soleil se lever. La lumière apparaît doucement, progressivement, au son de la musique de Gustav Mahler, qui est autant à saluer pour la réussite du film que la mise en scène délicate de Luchino Visconti, ou le travail éblouissant – littéralement – du chef op’ Pascalino de Santis. Un navire arrive : à son bord, le compositeur Gustav Aschenbach vient à Venise, dans les ruelles, sur les ponts, dans les venelles de laquelle il va se perdre, habité qu’il est par la beauté d’un jeune homme solaire et inaccessible.
C’est à croire que Venise est la ville-labyrinthe par excellence : Donald Sutherland y perdra aussi la raison dans Ne vous retournez pas. Aschenbach est peut-être fou – de désir, sans nul doute, d’amour aussi. Mais l’objet de son obsession ne joue pas franc-jeu : on ne saura jamais vraiment si Tadzio est seulement un jeune homme beau et hautain, ou si coule effectivement en lui le sang d’Apollon. Que peut un malheureux mortel, déjà frappé par la proximité de la mort de surcroît, contre un dieu ?
Visconti évapore le sentiment du réel, abolit le temps dans le dédale des passages vénitiens, construit une fantasmagorie à la poésie dolente et mortifère, où finalement la mort ne peut qu’être la seule exutoire aux passions d’un simple mortel. Travail sublime sur l’image et le son, Mort à Venise, dans son discours comme en lui-même, fait fi du temps : notre classique du mois de novembre est magnifique et bouleversant.
(source : cine corner)