« J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. »
King Kong Théorie, Virginie Despentes 2006
Les premières lignes de ce petit livre de 145 pages annoncent le ton de tout ce que défend Despentes dans son travail. Dans cet essai autobiographique, l’autrice amorce la réflexion des rapports hommes-femmes dictés par une société patriarcale. Prenant comme point de départ différents événements de sa propre vie, qu’elle décrit comme fondateurs de l’écrivain qu’elle est aujourd’hui, comme le viol qu’elle subit à l’âge de 17 ans, son bref passé de prostituée ou encore son travail de critique de films pornographiques. Despentes parle cru, ne tourne pas autour du pot et attaque.
Née en 1969 à Nancy, Virginie Despentes émigre à Lyon pendant son adolescence. Elle devient punk, habite seule à 17 ans et ressent un besoin vital d’explorer, de vivre des émotions fortes et intenses. Comme elle l’explique dans le livre, « ce que j’ai vécu, à cette époque, à cet âge-là, était irremplaçable, autrement plus intense que d’aller m’enfermer à l’école apprendre la docilité. » Alors elle teste, beaucoup, et entache sa vie comme on le ferait d’un papier vierge avant la rédaction d’une œuvre. De sa vie en marge et mouvementée, elle tirera sa plume acerbe, sensible malgré tout et surtout fièrement indifférente.
Despentes est un personnage qui encore et surtout aujourd’hui, déclenche les foudres et suscite des critiques violentes et agressives. Parce qu’elle écrit comme un homme et surtout parce qu’elle l’énonce clairement, l’écrivaine est taxée d’hystérique, de frustrée, « d’anti-homme ». La réalité est qu’après avoir lu King Kong Théorie, on comprend que Despentes ne déteste pas l’homme, mais dénonce plutôt une société qui façonne deux identités binaires auxquelles il est difficile d’échapper. Celle de l’homme, viril et supérieur, et de la femme glamour, impeccable et soumise. Au fil du livre, l’autrice démontre qu’il existe bel et bien d’autres couches que ces deux rôles types ; et que ceux qui n’y correspondent pas sont écartés, moins écoutés, laissés pour compte. Au fil de trois chapitres qui traitent un à un le viol, la prostitution et la pornographie ; Despentes argumente son propos de souvenirs personnels qu’elle livre au lecteur. Elle explique sans fioritures le viol collectif qu’elle subit donc à l’âge de 17 ans ; sans aucune forme de misérabilisme, pour courageusement baser son propos principal. Avec ce chapitre Despentes offre une voie de sortie sur comment survivre à ce genre de traumatisme. Faire avec et avancer, toutes les expériences de la vie qu’elles soient bonnes ou mauvaises servent à se construire plus solidement qu’auparavant.
King Kong Théorie est donc un essai féministe écrit pour et par une femme qui se doit d’être lu qu’importe le sexe, que l’on soit d’accord ou pas avec les points de vue de l’autrice qui encore une fois, se base sur son expérience et ses émotions personnelles.
Avec ce livre Virginie Despentes offre des outils pour répondre, se défendre et hausser la voix à toutes les filles d’aujourd’hui.
Si le féminisme évolue avec le temps et les mentalités, King Kong Théorie demeure un texte puissant ne laissant personne indifférent et faisant partie des références en matière de littérature féministe.
Marielou